Un chat habillé d’angora à la parure de tigre tout en noir et blanc
paressait allongé sur une longue branche.
La patte pendante, l’honorable félin profitait de ce moment appuyé sur ses moustaches.
Non point qu’il fut fainéant,
mais l’animal était à son heure de repos après une chasse, ma foi, des plus gloutonnes.
Et puis, le chat est un sage s’accordant à la réflexion de son entourage.
Une autruche au galop, vint troubler ce paisible.
Passant devant lui, puis repassant au loin, il la vit courir,
puis courir encore au milieu de la plaine verdoyante.
Le chat s’intrigua.
Tout le jour, il vit cet étrange oiseau aller et venir, disparaissant puis réapparaissant,
mais toujours cavalant, se dépêchant ou se hâtant.
Parfois, ce grand animal s’arrêtait
et, avec adresse, plongeait la tête dans le sol pour ne plus y bouger.
Quand il en sortait, en vérité, c’était pour courir encore.
Les félidés sont d’un naturel curieux sachez-le.
Et celui-ci ne fit pas exception.
Sautant de sa branche, le voilà qui s’approche du grand volatile dans ses moments d’immobilité.
« Holà toi ! » Miaula-t-il. « Qu’est-ce qui te fait courir ainsi ? »
L’autruche, tête baissée en terre enfouit, se trouva bien dépourvu d’être ainsi découverte.
Et la voilà regardant de haut ce quadrupède à fourrure.
« Qui es-tu, toi, à venir troubler ma route ?
Ne sais-tu point qu’une vie de labeur se doit d’être vive
et menée avec autant de vigueur que possible ?
Avancer, avancer sans cesse, car s’arrêter c’est mourir.
Qu’as-tu donc appris dans ton existence ? »
Sur ces paroles, voilà notre personnage reprendre sa course effrénée,
laissant, là, le chat qui s’en retourna sur son perchoir.
Celui-ci médita sur l’oiseau le voyant encore passer et repasser sans cesse.
À la fin, l’emplumé s’arrêta pour de bon cette fois et ne plus jamais se relever.
Notre félin, qui assista à la scène, lui trouva une oraison sur le refrain d’un soupir.
Puis, il reprit sa route à pas de velours
profitant du chemin devant lui sans jamais revenir à cet arbre
d’où l’on peut voir encore les restes d’un volatile perdu dans sa course
qui pourtant jamais ne cessa de se hâter.
L’autruche partit vite, mes frères, sans aller loin, vous en conviendrez.
Tandis que le chat, suivant le temps qui passe, sut bien mieux tracer sa route.
Apprenez que la course chimérique de l’un vaut moins que le profit de l’instant présent de l’autre.