Le chat sur un arbre perché venait là pour assister au prône du roi-crapaud.
Il faut dire que l’animal était curieux d’entendre ce monarque.
Tout le jour, un héron, héraut de Sa Majesté, avait battu la campagne annonçant à chacun
que le noble sire s’adresserait à tous pour leur prodiguer ses conseils.
Il était Sa Majesté et se devait d’être guide pour tous ses sujets.
Ainsi la horde s’était rassemblée, avec le chat en singulier sujet.
Le souverain apparu, tout de parure vêtu avec la grâce et l’élégance du vérolé qu’il était.
Et voilà notre altesse, juchée sur son escabeau, s’adresser à la foule du haut de sa petitesse.
Et le crapaud coassa.
« Le verbe est haut et la harangue belle » songea le chat,
en entendant le prince animer sa plèbe.
Et voilà notre félidé porter toute attention à ces coassements de haut lignage.
Mais, bien vite, l’intérêt se brouilla.
Le batracien déclamait bien, certes, gesticulant sur son allié,
affirmant que tout allait au mieux, promettant que tout irait encore mieux
et se congratulant de son action bien menée.
Mais, le chat attendait que soit dit le motif de cette assemblée.
Rien ne vint.
Le roi-crapaud continuait cependant.
Le voilà qui ratiocinait sur ses actes méritants.
Le félin ne comprit point la raison de ses vertus tant célébrées.
Car à la vérité, jamais ce beau prince à la peau verruqueuse n’avait rempli ses promesses.
Peu soucieux de ses paroles, l’orateur s’enflammait, s’emballait, sans qu’il ne s’arrêtât.
Le chat, lui, ne percevait rien de ce qui le motivait autant.
Et le crapaud poursuivait.
Son auditeur bâilla, puis s’étira, en s’accordant moins au tribun
qu’au papillon qui passait par là.
Et le crapaud persistait.
Sans cesse, il se prononçait sur la valeur de sa qualité.
Finalement, notre chat trouva la réponse dans un sommeil réparateur,
où seules ses moustaches savaient vibrer à l’unisson du déclamateur tant incompris.
Le roi mit un terme à son exercice, car tout doit s’achever un jour.
Tout fier de son exploit, il s’en alla en grande pompe aussi éclatant qu’il était apparu.
La plèbe se dispersa à son tour.
Les partisans saluaient là un grand moment de son règne.
Les opposants s’opposèrent, car il le fallait bien.
Et les indécis se demandaient toujours pourquoi ils étaient venus.
Le chat, ma foi, s’éveilla bien reposé et s’avisa d’une souris qu’il croqua avec entrain.
« Voilà donc cet étrange monarque dont le discours vaux moins qu’une souris désirable »
se résout-il à méditer avant de quitter son perchoir.
Vous aussi mes frères, apprenez la vertu de cette histoire.
Il est vain de croire que la valeur d’un discours se mesure à l’abondance des mots,
quand bien même ils seraient déclarés joliment.