Au pays du roi-crapaud,
les jours s’écoulaient dans la douceur d’une paisible terre généreuse.
Un jour, une délégation de daims vint à sa rencontre.
S’adressant à lui avec tous les usages,
ils demandèrent une preste assistance contre une bande de hyènes assoiffées de leur sang.
« Sire notre peuple se meurt. Une horde sauvage nous assiège.
Il n’est pas de jour, sans que l’un de nous ne tombe sous leur assaut
et ne finisse par remplir leur ventre déjà plein de la veille.
Bientôt, nous ne serons plus.
Au nom du droit des hordes à vivre en harmonie,
aidez-nous à lutter contre ces prédateurs destructeurs. »
L’affaire était avérée sans aucun doute.
Mais, ces animaux ne dépendaient pas du souverain.
Issue d’une contrée lointaine, il pouvait ainsi ne point y donner de suite.
Cependant notre opportun monarque, vit là l’occasion de briller pour lui-même.
Rien de tel qu’une action de secours au profit de pauvres daims sans défense
pour s’attribuer le titre de juste et de puissant.
Sans compter que, face à son armée de fauves,
les hyènes ne seraient que plume devant une tornade.
Et voilà notre magistère, au renom recherché,
convaincu d’une victoire assurée dans une action d’éclat au profit de sa robe,
devenue bien terne au fil du temps.
Pour cette entreprise, il se voulut démocrate.
Recherchant l’adhésion de ses cours et de ses voisins,
il courut, bondissant et sautillant, tour à tour minaudant, croassant ou convaincant,
attribuant maints et justes mérites à la cause des cervidés en danger.
À la fin, un vote plébiscite en faveur d’une action de secours vint auréoler l’orgueilleux.
Les hordes libres s’unirent sous le commandement de notre crapaud-roi
pour la défense du droit aux troupeaux à vivre en paix.
Le voilà qui partit en guerre.
Ou plutôt qui envoya ses grands félins,
éléphants de bataille et autres aigles aux griffes meurtrières livrer combat.
À leur arrivée, les hyènes, balayées, n’eurent de salut qu’à la fuite.
Décevant quelque peu la mort qui se rassasiait par avance des nouveaux venus.
La victoire était sans appel et le pays des daims libéré.
L’aura de Sa Majesté put briller à cet instant tandis que les troupes rentraient en héros.
Et les daims me diriez-vous ?
Leur troupeau avait bien maigri le temps des palabres de leurs sauveurs.
Se remettant de leurs pertes,
ils virent arriver un cochon tout rose aussi gras qu’avide de leurs terres.
Au nom du péril combattu par son prince,
le voilà obtenir maints avantages pour y faire ses affaires sur leur domaine.
Car le roublard dodu y voyait un sol en friche sur lequel il comptait bien enrichir ses bourses,
tandis que les ruminants meurtris se rassemblaient sur un petit champ abandonné de tous.
L’action de notre roi-crapaud semble juste, mes frères, vous en conviendrez,
quoique teintée de mauvaises raisons.
Toutefois, sachez que toute bonne action vous lie à celui qui vous vient en aide.
Prenez-garde, que le prix à payer ne devienne servitude.